Stratégie d’atténuation et d’adaptation
A l’heure actuelle, il y a peu d’incertitude sur l’état du climat d’ici 2050 : le GIEC estime que notre planète atteindra les 1,5 °C de réchauffement prématurément, dès le début des années 2030. Par ailleurs, les engagements pris à ce jour par les États lors des COP nous orientent vers un réchauffement planétaire d’environ 3°C d’ici 2100. Quand bien-même l’objectif de maintien du réchauffement bien en-dessous de 2°C de l’Accord de Paris était atteint, les conséquences du changement climatique resteraient importantes. Il est donc impératif que les Etats du monde entier agissent pour limiter les dérèglements corrélés au réchauffement climatique. Pour structurer l’action, le GIEC préconise de mobiliser deux types de stratégies : les stratégies d’atténuation et les stratégies d’adaptation. Voici quelques éléments d’information permettant de distinguer les deux.
Les politiques d’atténuation
Dans le contexte du dérèglement climatique, les politiques d’atténuation consistent à réduire les incidences du dérèglement climatique en limitant les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère. L’atténuation est obtenue soit en diminuant les sources de ces gaz – par exemple en privilégiant les actions de sobriété, les sources d’énergie renouvelable, en améliorant l’efficacité énergétique, en décarbonant le système de mobilité, en promouvant des pratiques agricoles plus écologiques et raisonnées – soit en améliorant le stockage des GES – en augmentant la superficie des forêts ou en améliorant la capacité de stockage des sols notamment. Autrement dit, l’atténuation résulte d’une intervention humaine visant à réduire ses sources d’émissions de GES et/ou améliorer les puits de carbone.
PROJECTIONS DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE SUIVANT LES CINQ SCÉNARIOS SSP DU GIEC
Les décisions prises lors des Conférences des Parties (COP) à l’échelle internationale sont des politiques d’atténuation. Elles établissent des objectifs et des engagements communs pour limiter le réchauffement planétaire. Le plus connu est l’Accord de Paris sur le climat, dont l’objectif est de contenir d’ici 2100 le réchauffement climatique « bien en dessous des 2°C » par rapport aux niveaux préindustriels et poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5°C. Pour ce faire, les pays ayant ratifié l’accord se sont engagés à atteindre la « neutralité carbone » dès 2050, c’est-à-dire un équilibre entre les émissions de carbone et l’absorption du carbone dans l’atmosphère par les puits de carbone. Ainsi, pour atteindre des émissions nettes nulles, les émissions de GES dans le monde devront être compensées par la séquestration du carbone. L’atténuation des émissions de GES est essentielle car chaque degré de réchauffement évité contribue à réduire les impacts néfastes sur les écosystèmes, les ressources en eau, la sécurité alimentaire, et les communautés vulnérables.
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Les politiques d’adaptation
Cependant, en dépit des efforts d’atténuation, les changements climatiques passés et les émissions existantes entraînent des conséquences inévitables. D’où l’importance de mettre en œuvre en parallèle des politiques d’adaptation, qui impliquent d’anticiper les conséquences néfastes du dérèglement climatique et de mettre en place des actions appropriées pour prévenir ou minimiser les dommages potentiels. Cela peut englober diverses initiatives comme la construction de dispositifs de protection contre la montée des eaux ou la mise en place d’îlots de fraîcheur en milieu urbain par végétalisation. L’objectif des stratégies d’adaptation est de renforcer la résilience des sociétés et des écosystèmes face aux impacts du changement climatique déjà en cours. Elles se déploient à l’échelle locale, prenant en compte les caractéristiques spécifiques de chaque territoire.
Source : Rapport annuel 2023 du Haut Conseil pour le Climat
Finalement, ces deux approches – atténuation et adaptation – sont interdépendantes et doivent être envisagées de manière complémentaire. En effet, l’atténuation réduit les risques futurs et évite les effets néfastes, tandis que l’adaptation permet de faire face aux changements déjà inévitables. Ensemble, elles forment une stratégie intégrée pour lutter contre le dérèglement climatique et assurer un avenir plus durable et résilient pour la planète. En somme, on peut affirmer que les stratégies d’atténuation et d’adaptation permettent de « gérer l’inévitable, éviter l’ingérable », selon la formule du climatologue Filippo Giorgi.
les politiques climatiques de la france : entre responsabilitÉ et nÉcessité
La France a une grande part de responsabilité en matière d’émissions de GES. D’une part historique car lorsque que l’on additionne ses émissions de CO₂ depuis 1850, elle devient le 8e émetteur de gaz à effet de serre mondial . D’autre part, l’empreinte carbone de la France, rapportée au nombre d’habitants, reste très élevée : en 2022, selon des estimations provisoires, l’empreinte carbone de la France est estimée à 623 millions de tonnes équivalent CO₂ (Mt CO₂ eq). Lorsque l’on ramène ce chiffre à la population à l’ensemble de la population, l’empreinte carbone moyenne d’un Français est estimée à 9,2 t CO₂ eq par personne. On le comprend bien, la France a un rôle important à jouer pour éviter un emballement climatique, c’est pourquoi elle s’est fixée de nombreux objectifs d’atténuation à différents horizons temporels, à la fois en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de réduction des consommations d’énergie et de développement des énergies renouvelables.
Source : Réseau action climat France
Par ailleurs, le réchauffement climatique est calculé comme une moyenne mondiale dans les travaux scientifiques, comprenant à la fois le réchauffement de l’atmosphère à la surface au-dessus des océans et au-dessus des continents. Or, le réchauffement au-dessus des continents est plus important que celui des océans du fait de l’inertie thermique des quantités d’eau que les océans contiennent. Ainsi, en France métropolitaine, le réchauffement climatique a déjà atteint +1,7°C par rapport à l’ère préindustrielle sur la dernière décennie, dont 1,5°C depuis les années 1960, avec une hausse plus marquée l’été. Cette hausse des températures a des effets que l’on peut d’ores et déjà ressentir (évènements extrêmes plus fréquents et plus intenses ; hausse de l’évaporation des sols et diminution de la période d’enneigement en moyenne montagne ; baisse de l’humidité des sols ; augmentation des précipitations annuelles dans la moitié nord et baisse dans la moitié sud, perturbation de la faune et flore …) et qui ne feront que s’aggraver.
C’est dans ce cadre que la France mène depuis le début des années 2000 une politique climatique et énergétique d’atténuation et d’adaptation au niveau national, en s’appuyant sur les engagements pris à l’échelle internationale et européenne.
Atténuation
Les différentes politiques d’atténuation de la France s’inscrivent intégralement dans la lignée de l’engagement pris lors de l’Accord de Paris (voir ci-dessus). Comme d’autres pays, elle s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, avec un objectif défini par le Code de l’énergie visant à diviser nos émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050.
Par ailleurs, étant État membre de l’Union Européenne, la France se doit de respecter les objectifs européens en vigueur, en particulier en matière de réduction des émissions de GES. L’UE prévoit en effet d’atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050 au plus tard. Afin de parvenir à cet objectif, la loi climat européenne vise à réduire d’au moins 55% les émissions nettes de GES par rapport aux niveaux de 1990 d’ici à 2030, d’où l’adoption de mesures comme le récent paquet « Fit for 55 ». Proposé en juillet 2021, celui-ci est composé d’un ensemble de douze textes visant à adapter les politiques de l’UE en matière de climat, d’énergie, d’utilisation des terres, de transport et de fiscalité carbone.
Source : Fit for 55 | BUILD UP (europa.eu)
Aujourd’hui, les différents engagements pris par la France au niveau international et communautaire en termes d’atténuation sont transposés principalement dans les législations suivantes :
- La Loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) d’août 2015
- La Loi relative à l’énergie et au climat promulguée en novembre 2019
- La Loi portant sur la lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets, promulguée en août 2021
- La stratégie nationale bas-carbone (SNBC2 adoptée en avril 2020)
- La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE2 en vigueur adoptée en avril 2020).
Plus précisément, la deuxième Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) introduite par la loi LTECV établit une feuille de route pour la France afin de mettre en œuvre une transition vers une économie décarbonée, circulaire et durable dans tous les secteurs d’activité. Pour cela, elle définit une trajectoire de réduction des GES et fixe des budgets-carbone pour les périodes 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033. Adoptée pour la première fois en 2015, la SNBC a été révisée en 2018-2019 – et adoptée en avril 2020 – afin de s’adapter aux nouvelles ambitions de réduction de GES.
Principaux objectifs énergétiques et climatiques de la France (Sources : code de l’énergie et PPE2)
Adaptation
En complément de ces mesures, la France mène une politique d’adaptation au dérèglement climatique. Elle vise à anticiper et donc limiter au maximum les impacts du dérèglement climatique et les dommages associés sur les activités socio-économiques et sur la nature et à accroître la résilience des territoires.
La politique d’adaptation française se structure autour du deuxième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-2), adopté en 2018. Le but de cette politique est d’adapter les territoires à une hausse des températures de 2°C d’ici 2050 par rapport au climat préindustriel, en cohérence avec l’Accord de Paris qui vise à renforcer les efforts nationaux d’adaptation. Ce plan couvrant six volets d’action (« Gouvernance » ; « Prévention et résilience » ; « Nature et milieux » ; « Filières économiques » ; « Connaissance et information » ; « International ») a vu le jour après une concertation nationale.
Le PNACC-3, actuellement en préparation, se structurera autour d’un scénario plus pessimiste, mais aussi plus réaliste au regard de la trajectoire actuelle de réchauffement. Ainsi, il prendra en compte de nouveaux chiffres dans les actions d’adaptation, avec une augmentation de la température de +1,5°C en France métropolitaine en 2030, de +2,7°C en 2050 et +4°C en 2100.
Par ailleurs, la France s’est récemment dotée d’une trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC), afin de coordonner les politiques publiques sur le sujet de l’adaptation. Elle s’appuie sur un scénario de réchauffement mondial de 3°C en 2100, qui servira de base à toutes les actions menées en ce sens. En France, ce scénario tendanciel amènerait à +4°C de réchauffement.
L’intérêt de définir une trajectoire de référence est de :
• mettre à jour les référentiels de risque , normes et réglementations techniques qui doivent prendre en compte les effets du changement climatique dans tous les domaines (bâtiment, transport, énergie, réseaux, risques naturels…) ;
• accompagner l’adaptation des collectivités territoriales : la TRACC sera progressivement intégrée dans l’ensemble des documents de planification territoriaux ;
• accompagner l’adaptation de l’activité économique : pour chaque secteur, des études de vulnérabilité basées sur la TRACC permettront d’élaborer des plans d’adaptation au changement climatique »
Quelles obligations réglementaires dans les territoires ?
De par l’exercice de leurs compétences, différentes collectivités comme les Régions, les intercommunalités et les communes sont chargées de faire atterrir concrètement l’arsenal climatique national dans les territoires. Elles ont donc un rôle capital dans l’atténuation et l’adaptation au dérèglement climatique.
Les Régions, par exemple, se sont vues obligées de mettre en place un Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). En fixant des objectifs à moyen et long terme et formulant des règles pour un aménagement plus durable, ce document structure et coordonne les différentes politiques du territoire sur le sujet. On trouve par exemple dans le SRADDET des thématiques concernant une gestion plus économe des ressources foncières et la lutte contre la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers (ENAF). Les Régions sont également responsables des Plans régionaux Santé-Environnement.
D’autres documents permettent de répondre à ces enjeux. On peut par exemple citer les Schémas de cohérence territoriale (SCoT) qui, souvent organisés à l’échelle de plusieurs intercommunalités, peuvent également avoir un rôle à jouer en fixant des grands objectifs en termes d’habitat, de mobilité, d’aménagement commercial, d’environnement et de paysage.
L’échelon intercommunal est également pertinent pour implanter des politiques climatiques d’atténuation et d’adaptation. A ce titre ont été créés les Plans Climat-Air-Energie Territoriaux (PCAET), obligatoires pour tous les EPCI de plus de 20 000 habitants. Structuré autour d’un diagnostic territorial, d’une stratégie chiffrée d’un programme d’actions concrètes et d’un dispositif de suivi et d’évaluation, ce document de planification écologique vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre du territoire et l’adapter aux effets du dérèglement climatique.
A la croisée entre les compétences intercommunales et communales se situent les Plans locaux d’urbanisme communaux ou intercommunaux (PLU(i)), ou Plans de Déplacement Urbains (PDU) qui permettent une action plus thématique sur l’atténuation des GES, en limitant entre autres la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers ou en favorisant les mobilités plus décarbonées.