Le dérèglement climatique c’est quoi ?
Alors que la planète fait face à des dérèglements climatiques sans précédent, il devient impératif de s’informer et de comprendre les mécanismes sous-jacents à ce phénomène, ainsi que ses implications profondes sur notre environnement, nos sociétés et notre avenir collectif. Cet article permettra de donner des clés sur dérèglement climatique, explorant de manière détaillée les facteurs qui en sont à l’origine et expliquant les conséquences qui en découlent. L’objectif est de parvenir à éclairer la complexité du dérèglement climatique et de promouvoir une compréhension qui apparaît aujourd’hui essentielle si l’on veut pouvoir agir demain.
Les activités humaines sont en majeure partie responsables du dérèglement climatique
Le dérèglement climatique est un phénomène de variations à long terme de la température et des modèles météorologiques. Il peut s’agir de variations naturelles, dues par exemple à celles du cycle solaire. Cependant, la responsabilité des activités humaines sur le réchauffement de l’atmosphère, des océans et des continents depuis les années 1800 (et observée actuellement) est « sans équivoque » et principalement due aux émissions de gaz à effet de serre (GIEC, 6e rapport, 2022).
« Lorsque les climatologues simulent par modèles et calculs le climat depuis 1850, seules les simulations qui tiennent compte du changement de la composition chimique de l’atmosphère par nos émissions de gaz à effet de serre parviennent à reproduire les températures observées. Les simulations qui ne tiennent compte que des facteurs naturels simulent un climat stable, très éloigné du réel observé. » – Source : Le Monde (graphique du GIEC)
Les activités humaines (chauffage, transport, production d’électricité, industrie…) sont, depuis la révolution industrielle, dépendantes des énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz), qui émettent du dioxyde de carbone (ou CO₂) dans l’atmosphère, lors de leur processus de combustion. Par ailleurs, d’autres activités humaines, telles que les décharges d’ordures et l’élevage de bovins et d’ovins, émettent du méthane (CH₄) et l’agriculture émet quant à elle de plus du protoxyde d’’azote (N₂O) à partir des engrais.
Ces gaz relâchés, par leurs propriétés chimiques et physiques, agissent comme une couverture chaude autour de la Terre : on les appelle les « gaz à effet de serre » (GES). L’effet de serre est un processus naturel d’absorption des rayons infrarouges : sans effet de serre du tout, la température moyenne à la surface de la Terre serait de – 18°C au lieu de 15°C. Il n’y aurait ni eau liquide, ni vie ; il est donc indispensable à notre survie.
Depuis l’ère industrielle, l’effet de serre s’est accru de manière excessive, participant au réchauffement de la température moyenne de la surface terrestre et des océans. Il est à l’origine d’une modification de l’équilibre du climat et des écosystèmes. On comprend donc que c’est l’effet de serre d’origine humaine, que l’on appelle parfois effet de serre « additionnel » (parce qu’il se rajoute à celui d’origine naturelle), ou anthropique, qui constitue le cœur du problème.
Et le problème est de taille : entre 1850 et 2019, l’humanité a émis 2400 Gt de CO₂, dont 42% entre 1990 et 2019. Sur ces 10 dernières années, 86% de cette augmentation est due aux combustibles fossiles. La concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère terrestre (mesuré en ppm, partie par million) a ainsi atteint aujourd’hui son niveau le plus haut depuis 2 millions d’années : des mesures effectuées montrent que la concentration est passée d’environ 280 ppm dans les années 1850 (début de la civilisation industrielle) à 417 ppm en 2022. Et il ne cesse d’augmenter. A titre de comparaison, les concentrations en dioxyde de carbone (CO₂) étaient comprises entre 180 ppm (ères glaciaires) et 300 ppm (périodes chaudes) sur les derniers milliers d’années.
L’humanité a provoqué des changements rapides et étendus au niveau de l’atmosphère, de la cryosphère (glaces terrestres et marines), de la biosphère (êtres vivants) et des océans. Le niveau de la mer s’est élevé de 20 cm entre 1901 et 2018. D’un rythme de 1,3 mm par an entre 1901 et 1971, l’élévation s’est accélérée pour atteindre +3,7 mm par an sur la période 2006-2018. Par conséquent, ce niveau a augmenté plus rapidement depuis 1900 que pendant n’importe quel siècle depuis 3000 ans.
Quels sont les effets actuels et futurs du dérèglement climatique sur nos sociétés ?
Le dérèglement climatique fait peser sur les sociétés humaines, et sur le vivant plus largement, des risques d’une ampleur inédite. Ces risques sont la conséquence de l’augmentation de la fréquence et de l’intensité de plusieurs types d’évènements météorologiques et climatiques extrêmes (canicules, très fortes précipitations, inondations, sécheresses, ouragans, feux de forêt…) et ont des impacts irréversibles en poussant les systèmes naturels et humains au-delà de leurs limites d’adaptation partout dans le monde :
- Réduction de la disponibilité des ressources en eau et en nourriture (en Afrique, en Asie et sur les petites îles notamment) ;
- Impact sur la santé : dans toutes les régions du monde, cela se traduira par une plus grande mortalité ; l’émergence de nouvelles maladies d’origine alimentaire/de qualité de l’eau ; une augmentation du stress thermique, une dégradation de la qualité de l’air ; des problèmes psychologiques … ;
- Baisse de moitié des aires de répartition des espèces animales et végétales
Les impacts mondiaux du dérèglement climatique à l’horizon 2100, selon les prévisions du rapport du GIEC de 2014. Source : Métro
Ces effets sont irrémédiables, même dans l’hypothèse d’une limitation de la hausse des températures à 1,5°C (comme fixé dans l’accord de Paris) et s’accentuent et se diversifient fortement au-delà de +2°C.
Dans certaines régions, d’ores et déjà 3,3 à 3,6 milliards d’habitants sont extrêmement vulnérables aux risques aggravés par le changement climatique, notamment à cause de la pauvreté et/ou de l’accès limité à des services essentiels. Les événements extrêmes entraînent aussi de nombreux déplacements contraints de population, notamment en Afrique, Asie et Amérique du Nord. En ville, leur intensification cause des dégâts aux infrastructures clés (transport, hygiène, eau, énergie) affectant disproportionnellement les habitants économiquement précaires et socialement marginalisés.
L’incendie de McDougall Creek à l’ouest de Kelowna, en Colombie-Britannique (Canada), le 17 août 2023. DARREN HULL / AFP
Focus sur les limites planétaires : où en sommes-nous ?
Les effets du réchauffement climatique ne sont pas à prendre à la légère. Ils contribuent à dérégler les équilibres naturels terrestres et créer des conditions de vie défavorables aux êtres vivants.
D’où la définition par le Stockholm Resilience Centre (SRC) en 2009 du concept de limites planétaires, qui vise à évaluer l’impact des activités humaines sur la planète via l’établissement de seuils à ne pas dépasser, sous peine de provoquer des modifications irréversibles des équilibres pouvant menacer la vie sur Terre. Les neuf limites planétaires correspondant à neuf processus biologiques sont :
- le changement climatique,
- l’érosion de la biodiversité,
- la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore,
- le changement d’usage des sols,
- le cycle de l’eau douce,
- l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère,
- l’acidification des océans,
- l’appauvrissement de la couche d’ozone,
- l’augmentation de la présence d’aérosols dans l’atmosphère.
Lorsqu’un processus biologique est perturbé, une cascade de problèmes se déclenche et s’accentue
Aujourd’hui, six de ces neuf limites ont déjà
Quelles sont des projections du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat) sur le futur climatique ?
Depuis plus de 30 ans, le GIEC évalue l’état des connaissances sur les causes et conséquences de l’évolution du climat et publie ces données dans ses rapports destinés aux décideurs et à la société civile. Il apporte également des pistes de réflexion pouvant permettre de limiter l’ampleur des dérèglements climatiques et des solutions d’adaptation aux dérèglements futurs.
Quels que soient les scénarios d’émission de GES, le GIEC estime que la planète atteindra les 1,5 °C de réchauffement dès le début des années 2030. Les +1,5°C pourraient même être franchis plus tôt de manière ponctuelle sous l’effet de phénomènes naturels tels que El Niño.
Selon ces experts, limiter ce réchauffement à 1,5°C et 2 °C ne sera possible que si on accélère drastiquement dès maintenant la baisse des émissions nettes mondiales de CO2 pour les ramener à zéro tout en réduisant fortement les autres émissions de gaz à effet de serre.
Bien que les efforts récents aient permis d’éviter plusieurs gigatonnes d’émissions annuelles, ils n’ont pas été suffisants pour inverser la tendance à l’augmentation des émissions mondiales. Les engagements pris par les États avant la COP26 restent ainsi bien en-deçà des valeurs d’émissions nécessaire pour limiter le réchauffement à 1,5°C. A titre d’exemple, les différents engagements pris par les pays avant la COP26 (2021) conduiraient l’humanité vers un réchauffement d’environ 2,8°C à l’horizon 2100. En ce qui concerne les politiques concrètement mises en œuvre, celles de 2020 nous amèneraient vers un réchauffement de 3.2°C. Même si de nombreux pays ont annoncé leur intention d’atteindre une forme de neutralité carbone vers 2050, les outils pour y parvenir restent largement inexistants.
Projections à 2100 des différentes trajectoires de réchauffement en fonction des politiques climatiques adoptées –
Source : Climate Action Tracker (No change to warming as fossil fuel endgame brings focus onto false solutions | Climate Action Tracker)
Trajectoires d’émissions permettant de limiter le réchauffement à 1.5°C ou 2°C et trajectoire d’émission résultant des politiques en vigueur en 2020 – Source : GIEC
En conséquence, les objectifs de limiter le réchauffement à 1,5°C et même à 2°C restent inatteignables avec les mesures actuelles, alors que chaque dixième de degré d’élévation des températures mondiales augmente les risques liés au changement climatique et rend leur gestion plus complexe. Selon Michael Mann, directeur du PCSSM (Penn Center for Science, Sustainability, and the Media) à l’université de Pennsylvanie, « […] 0,5° C de réchauffement supplémentaire entraînerait probablement la fonte de la banquise arctique, trois fois plus d’épisodes de chaleur extrême, des niveaux d’extinction bien plus importants et la potentielle perte des récifs coralliens sur toute la planète. Nous nous rapprocherions même des points de basculement pour la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique occidental et des mètres d’élévation du niveau de la mer qui l’accompagnent. C’est une situation assez brutale ». Source : Climat : que représente un réchauffement planétaire à 2°C ?
L’exemple de l’accroissement des risques de submersion marine illustre bien les propos tenus par M. Mann. En effet, le GIEC nous avertit dans son rapport sur l’océan, la cryosphère et les changements climatiques de 2019 que la fréquence d’épisodes de submersion marine devrait être multipliée d’un facteur d’au moins 100 d’ici la fin du XIXe siècle dans un scénario d’émissions élevées (notamment le RCP8.5)
Scénarios et projections climatiques | Chiffres clés du climat (developpement-durable.gouv.fr)
Carte des zones de Basse- Normandie exposées à l’élévation du niveau de la mer et aux inondations côtières en 2100, selon le scénario RCP8.5 du GIEC (projection locale du niveau de la mer plus la hauteur supplémentaire d’une inondation annuelle locale).
Source : Climate Central | Land projected to be below annual flood level in 2100
Il faut également garder à l’esprit que certains impacts sont irréversibles, même si les émissions de GES s’arrêtaient, notamment en raison de la durée de vie de certains gaz à effet de serre, comme le CO₂ qui peut rester plus d’une centaine voire milliers d’années dans l’atmosphère. Étant donné la durée de vie du CO2, le réchauffement déjà observé persistera pendant plusieurs décennies, même si les émissions nettes sont rapidement réduites à zéro. Le phénomène de fonte des glaces et de la montée du niveau des mers, pourront ainsi perdurer. En revanche, l’ampleur de ces impacts peut être limitée par une réduction drastique des émissions. Par exemple, la montée du niveau des mers est estimée à environ 50 cm d’ici 2100 si le réchauffement est limité à 1,5°C, mais pourrait dépasser 1 mètre si les émissions augmentent fortement.
Pour aller plus loin
- Les rapports du GIEC
- Synthèse vulgarisée en français du 6e rapport du GIEC
- Un document complet sur le changement climatique publié par l’ANBDD
- Des chiffres-clés sur le climat
- Des informations sur les objectifs climatiques
- Des informations sur les limites planétaires
- Des précisions sur les scénarios SSP utilisés par le GIEC
- L’adaptation au changement climatique par l’Ademe